Ultra-trail des Païens by UTMB 19/05/2024
- Nicolas
- 22 avr.
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 23 avr.

Le marathon de Paris passé non sans mal avec un temps plus qu'honorable de 3h46 (chrono amélioré de 35 minutes), je me dirige tout doucement vers le plus gros objectif de l'année : l'Ultra-trail des Païens by UTMB 116km et 4200m de D+.
Avec William, nous nous sommes données rendez-vous la veille au retrait du dossard à Obernai.

On prend la température de la course, le village d'Obernai sera peuplé par le monde du trail pendant tout le week-end : chaussures, village UTMB, barres de céréales, ...
Le 160km est parti la veille et le premier ne devrait pas tarder à arriver.
C'est le coureur local Sébastien Spehler qui remportera la course en 17H24 (quel monstre). En le voyant arriver, je me rends compte que j'ai prévu de courir plus longtemps que lui avec 45km de moins (sans compter le D+).

Après avoir récupéré mon dossard (1570), je prends une photo avec Florine pour immortaliser le moment et (je l'espère) pour garder un bon souvenir de cette course. Je reçois également un bracelet estampillé 100K (je porte toujours ce bracelet à l'heure actuelle).
Après avoir vu le premier finisher du 100M de l'Ultra-trail des Chevaliers, on quitte le village en regardant l'arche d'arrivée qui sera sûrement revue dans la nuit du dimanche au lundi, voir au petit matin.
Dimanche 19 mai : le Jour J

On y est, c'est le jour J, j'ai préparé mon sac toute la semaine en ayant bien pris soin d'avoir l'ensemble du matériel obligatoire. Florine et mon père vont me suivre sur le parcours et sur l'ensemble des ravitaillements (toute la nuit). J'ai prévu de courir entre 17 et 18h pour une heure d'arrivée estimée entre 3 et 4h du mat (départ à 10h). La météo annoncée n'est pas très rassurante car des orages sont attendus. Sur le 100M, 40% d'abandon, il a beaucoup plu ce qui n' a pas rendu la tâche facile aux finishers, bravo à eux.

Je retrouve William au départ, on profite du peu de temps qu'on a ensemble pour discuter et se ressasser tout le chemin parcouru depuis le début de notre préparation démarrée en octobre. Le départ est découpé en 2 SAS et notre position est définie par notre index UTMB. Je pars dans le premier SAS à 10h00, je lance un dernier regard à William, on se souhaite bonne chance "On se retrouve à l'arrivée !".
Départ 10h00
Le speaker a fait le décompte, le départ est lancé, on a fait le serment d'arriver à Obernai. J'embrasse ma montre pour me donner du courage, je passe la ligne de départ, le chrono est lancé et je ne peux plus reculer.
Quelques mètres plus loin, j'aperçois Florine et mon père qui m'encouragent, je les retrouverai au kilomètre 18 au premier ravitaillement avec assistance à Châtenois.
Premier ravitaillement - Château du Haut-Koenigsbourg 10KM 592m D+
J'arrive au premier ravito à 11H19 après 1H19 de course, tout va bien pour le moment et heureusement car il en reste 106 ! Je ne m'arrête pas pour le moment, car il y a 8km jusqu'au prochain et ce sera uniquement de la descente.
Deuxième ravitaillement - Châtenois 18KM 685m D+

Il est 12H07, 2H07 de course, en arrivant vers Châtenois, j'aperçois deux amis à moi qui sont venus m'encourager.
Ils en profitent pour faire quelques mètres avec moi et me demandent comment ça va "Tout va bien pour le moment", ils ne peuvent pas me suivre très longtemps et me souhaitent bonne chance.
Plus loin, je vois leurs femmes venues avec les enfants dont ma filleule qui a fait le déplacement jusqu'ici quelle chance :) ! Ma directrice a également fait le déplacement exprès pour me voir. On ne se rend pas compte à quel point, c'est motivant de voir des visages nous encourager.
Enfin, je retrouve Florine et mon père. C'est notre première expérience de ravitaillement en équipe, changer mes flasques mais pour mettre quoi dedans ?
Je fais un tour du ravito et demande à mon père de mettre de l'eau avec de l'Isotonic salé. Au vu de la longueur de la course, il est vital d'ingérer des électrolytes et du sel, surtout pour éviter les crampes et la déshydratation. Je mange un peu, puis après 04 minutes de repos, je reprends mon périple vers Dambach-la-ville.
Troisième ravitaillement - Dambach-la-Ville 31KM 1119m D+

13H48, 3H48 de course, pas grand chose à dire pour le moment, on change les flasques, je prends le temps de manger un peu et de discuter avec mon équipe. La météo est plus clémente que ce qui avait été prévu : il fait chaud, bien penser à s'hydrater.
De toute manière, le but est d'être finisher, le chrono importe peu donc je prends mon temps sur chaque ravito. La prochaine portion sera plus longue, environ 20km et 900m de D+, je prends le soin d'emmener une flasque supplémentaire : direction Andlau.
Quatrième ravitaillement - Andlau 51KM 2033m D+

16H47, 6H47 de course, ça commence à tirer !! Je termine cette portion en trombe, le terrain est gras mais j'ai toujours été à l'aise en descente et je dépasse pas mal de coureurs. J'arrive au ravitaillement et pour la première fois, je m'assois. Il m'est de plus en plus difficile de manger solide, donc je me contente de boire un peu de bouillon. J'ai (encore) le sourire pour le moment. Mon père me masse les cuisses. Le plus dur reste à venir, il fait toujours aussi chaud et à partir de maintenant j'entre dans l'inconnu. Le prochain ravito sera déterminant pour la suite de ma course. Je repars, le plein de confiance, pour 13km et 400m de D+.
Cinquième ravitaillement - Barr 64KM 2407m D+

18H50, 8H50 de course, le dernier kilomètre dans la ville je n'en voyais pas le bout ; le bitume n'est pas ce que je préfère à ce moment de la course. Je compte prendre mon temps à ce ravito car derrière c'est un gros morceau qui m'attend avec la montée du Mont St-Odile : 9km et 680m de D+.
C'est la base vie de la course, ce qui signifie qu'il est possible de récupérer son sac de délestage et de manger chaud. Ce ravitaillement est situé dans le collège de Barr, la cantine est réquisitionnée pour les coureurs. On peut manger chaud : pâtes bolognaises. Je me sers, mais mon envie de manger n'a pas évolué depuis. Après quelques bouchées, une envie de vomir donc je m'arrête très vite. Je profite de cet arrêt pour me changer intégralement : short, tee-shirt, chaussures, chaussettes. Mon père me masse les cuisses pendant que Florine me masse les épaules endolories par l'utilisation répétée des bâtons.
Sixième ravitaillement - Mont St-Odile 73KM 3085m D+

21H12, 11H12 de course !! Quelques mètres avant d'arriver au ravito, des amis ont fait le déplacement pour m'encourager, quelle chance ! J'en avais besoin car cette montée aura laissé des traces. J'ai toujours le sourire (pour combien de temps ?), mais à partir de maintenant un obstacle encore jamais rencontré va se dresser sur ma route : la nuit.
Il est 21H passé, j'enfile ma lampe frontale, l'allume, mets ma veste car le soleil va laisser placer au froid et à la nuit. La suite des évènements est la suivante : trois descentes et deux montées. La pluie de la veille a rendu le terrain gras et boueux à certains endroits. Il sera à présent plus difficile de discerner la technicité du terrain. La fatigue n'aidant pas à anticiper les éventuelles chutes, il faudra être d'autant plus vigilant pour éviter les blessures. Le physique va laisser place au mental à partir de maintenant ...
Septième ravitaillement - Klingenthal 91KM 3474m D+
00H26, 14H26 de course alors là, c'est très compliqué ... J'arrive dans un état de fatigue très inquiétant. Les derniers kilomètres, je priais pour que ce ravitaillement soit à l'intérieur pour que je puisse dormir un peu. Mon espoir sera de courte durée lorsque que mon père m'annonce que le ravito est à l'extérieur à proximité ... d'un étang. Je suis trempé et je demande à m'allonger un peu. On positionne les chaises de manière à ce que je puisse être assis avec les jambes posées sur l'autre chaise et on me couvre grâce à ma couverture de survie. Malheureusement, les crampes s'intensifient dans cette position et il m'est impossible de dormir tellement la douleur est insoutenable. En ouvrant les yeux, je vois un coureur couché au sol en train de vomir. Lorsque vous entendez parler de l'ultra-trail à la télé, sur les réseaux, on vous montrera les premiers, ceux pour qui on a l'impression que tout va bien, qu'ils ont simplement fait un jogging du dimanche.

La différence pour les amateurs est sous mes yeux : des corps douloureux, des démarches de zombie, des regards vides, des estomacs retournés, ... c'est ça, la réalité de l'ultra-trail. Cette pratique ne doit pas être banalisée, c'est un exploit, d'énormes sacrifices, des samedis / dimanches à prioriser une sortie de 5/6 heures en montagne plutôt que de les passer sur le canapé. Florine et mon père pour la première fois de la course (à ma connaissance), s'inquiètent pour moi et y a de quoi, car en voyant les photos après course, je me rends compte que l'image fait peur. Mon père me glisse qu'en arrivant au ravitaillement je parlais tout seul (je ne m'en suis pas rendu compte). Il me demande d'abandonner ... Je lui rétorque 'Papa, il reste 20km, alors même si je dois ramper je finirai'. Si près du but, je ne peux pas abandonner, pas après tous ces sacrifices et surtout pour eux, qui me suivent depuis le début, je veux les rendre fiers.
Je mets des habits chauds, puis je m'élance, le dernier ravito est à 16km et 530m de D+. À partir de maintenant, c'est mental.
Dernier ravitaillement - Rosheim 107km - 4005m D+
04H05, 18H05 de course, j'arrive non sans mal à ce dernier ravitaillement mais qu'importe, après ça, il me reste 7km. Je me couche un peu, je discute. Une personne s'occupant des secours me demande si tout va bien 'Oui oui ça va'. Mon père me propose de faire les derniers kilomètres ensemble. Je refuse en premier lieu, pour accepter finalement. On finira cette course ensemble et il n'y a rien de plus beau. Je ne reste pas longtemps car j'ai envie d'en finir. On s'élance tous les deux pour 7km et 200m de D+.

Fin - Obernai 114km - 4196m D+
05H33, 19H33 de course, ça y est c'est terminé. Je passe la ligne, je suis tellement épuisé mentalement que je n'arrive pas à pleurer. Je ne me rends pas tout de suite compte de l'exploit titanesque que je viens de réaliser. Je passe rapidement récupérer mon prix : un grand verre estampillé 'Trail Grand Est by UTMB', un sac UTMB et surtout... la médaille de finisher tant convoitée.

Ce morceau de métal qui me permettra de me souvenir de la difficulté de la tâche, des hauts et des bas, de ce ravito interminable de Klingenthal mais surtout de me rendre fier. Fier de n'avoir jamais abandonné, d'avoir continué à croire en moi.
Les sensations vécues durant ce périple ne peuvent être décrites en quelques mots mais j'espère que le prochain sera plus simple dans la gestion de la douleur même si je n'y crois pas vraiment.
Ce premier ultra m'aura permis de me rendre compte de la force mentale qu'il faut avoir pour en venir à bout et j'ai réussi à dompter la douleur.
Merci à mon équipe qui aura tenu toute la nuit, à attendre des heures dans le froid pour m'apercevoir en coup de vent lors des premiers ravitaillements puis de tout doucement me voir m'éteindre à petit feu au fur et à mesure de la course. Je peux dire une chose, si je suis parvenu à accomplir cet exploit, j'en dois une grande partie à Florine et mon père ; ce n'est pas mon exploit, c'est le NOTRE. Merci ! Fin.
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